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cour, les idées lugubres s’envolaient vite ; il goûtait une joie plus vive à ses jeux, un plaisir plus précieux à ses causeries. Même il s’habituait aux arrêts et n’en ressentait plus aucun ennui. Appuyé contre un arbre, il s’amusait à voir, autour de lui, la vie bruire et s’agiter, et, de temps en temps, il lançait du pain que les moineaux se disputaient avec de jolis mouvements qui le réjouissaient. C’est ainsi qu’il se désaffectionna tout à fait du travail, et bientôt, sans remords, abandonnant ses devoirs, il passa les heures longues de l’étude à rêver des choses plus douces, plus belles ; à concevoir des formes, des sons, des lumières, tantôt tristes, tantôt joyeux, suivant que son âme était joyeuse ou triste ; à créer en lui une multitude de poèmes, par où, naïvement, inconsciemment, il atteignit la mystérieuse vie de l’Abstrait. Il essaya aussi, d’instinct, de reproduire des objets qui l’avaient frappé ; il couvrit ses cahiers, ses livres, de dessins, feuilles, branches, oiseaux, bateaux, et encore la figure pâle du maître d’étude, qui, du haut de la chaire où il trônait, derrière la lampe, enveloppait les écoliers silencieux d’un regard vigilant et froid.

En ce moment, la confession était, de tous les exercices religieux, celui qui l’ennuyait le plus. Il ne s’y rendait jamais qu’avec un trouble extrême, le cœur battant, comme vers un crime. Le solennel et ténébreux appareil de cet acte obligatoire, ce silence, cette ombre, où une voix chuchotait, l’effrayaient. Dans cette nuit, il se croyait le témoin, le complice d’il ne savait quoi d’énorme, d’un meurtre, peut-être. La sensation en était si vive qu’il lui fallait tout son courage, toute sa rai-