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Sous la voilette, où leur visage se devine, baigné de tous les reflets errants du soir, Sébastien, avec attendrissement, aperçoit une double lueur de soleil, qui se couche, très loin, dans l’eau profonde de leurs yeux.


À l’étude il ne travailla pas, pris de paresse devant ses livres, envahi de dégoût, à la pensée d’avoir à conjuguer des verbes barbares. Le coude sur son dictionnaire, son porte-plume lâche entre les doigts, longtemps il rêvassa. Sa tête était remplie de trop de choses ; trop d’événements s’étaient suivis et enchevêtrés, en cette journée, pour qu’il n’essayât pas de les coordonner, d’en jouir, un par un, d’en tirer une règle de conduite nouvelle et des pronostics alliciants. Il ne put arriver à fixer aucune de ces images, mobiles, turbulentes. Cela grouillait pêle-mêle, dans son cerveau, avec des paysages, des bateaux, des coins de parc rêvés, des châteaux en fête, entrevus au bout de longues avenues éclairées, des sons de tambours, des abois de chiens, des bonds d’écureuils. Il s’arrêta un instant, à contempler le profil de Le Toulic qui, non loin de lui, à droite, penché sur son papier, embastillé de livres, piochait ses devoirs, des plis au front, du rouge aux joues, de l’encre au doigt. Il eut le grand désir de le connaître davantage, de lui parler souvent, de l’aimer ; et, tout d’un coup, se rappelant ses deux sœurs, si gentilles, dans la frissonnante indécision du soir, il l’aima d’une amitié violente. Peut-être aussi, Le Toulic voudrait bien le faire sortir, chez lui, comme Jean de Kerral. Et ce seraient d’inoubliables heures, entre cette mère et ces deux jeunes filles… Sans