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avec le regret de n’y point voir les éclaboussures du sang des anciennes tueries.

— Mais je ne veux pas tuer, dis-tu, je ne veux rien détruire de ce qui vit.

Comment ! tu ne veux pas tuer, misérable ? Alors la loi vient t’arracher à ton foyer, elle te jette dans une caserne, et elle t’apprend comment il faut tuer, incendier, piller ! Et si tu résistes à la sanglante besogne, elle te cloue au poteau avec douze balles dans le ventre, ou te laisse pourrir, comme une charogne, dans les silos d’Afrique.

La guerre est une brute aveugle. On dit : « La science de la guerre ». Ce n’est pas vrai. Elle a beau avoir ses écoles, ses ministères, ses grands hommes, la guerre n’est pas une science ; c’est un hasard. La victoire, la plupart du temps, ne dépend ni du courage des soldats, ni du génie des généraux, elle dépend d’un homme, d’une compagnie, d’un régiment qui crie : « En avant ! » de même que la défaite ne dépend que d’un