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lui sert que de rendez-vous de chasse. Le château fut en partie détruit sous la Révolution ; il n’en reste qu’une tour de brique et quelques murs branlants qu’envahissent les herbes arborescentes et la mousse. Les communs, très beaux et très bien conservés, ont été aménagés en maison d’habitation et font encore superbe figure dans le vaste parc planté d’arbres géants, tapissé de royales pelouses, qui va rejoindre sur la gauche, la forêt du P…, une forêt de l’État, renommée par la splendeur de ses hautes futaies. À droite, sur un parcours de dix kilomètres, s’étendent les terres qui dépendent de la propriété.

Je me souviens d’avoir vu là, enfant, des champs couverts de récoltes, des prairies où les bœufs enfonçaient dans l’herbe jusqu’au ventre, des fermes coquettes d’où s’échappait, alerte et joyeuse, la bonne et rude chanson du travail. Au milieu de cette nature privilégiée, de ces riches moissons, le paysan vivait dans l’aisance et dans le