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engerbaient, mais il rentrait de ses promenades, mécontent, avec un dégoût plus violent de son existence oisive, avec des pensées pénibles qui l’enfonçaient davantage dans les mélancolies et les regrets poignants du passé. Son caractère aussi s’aigrissait. Tout lui était sujet à disputes, à récriminations ; il devenait exigeant, tracassier, irritable, mauvaise langue. Lui qui, jadis, supportait si facilement les continuelles absences de sa femme, il lui en voulait maintenant de toujours courir dehors, l’accusait de l’abandonner, de « s’entendre avé l’ z’éfants » pour le laisser mourir. Si ce n’était pas malheureux, à son âge, après avoir tant travaillé, de rester seul, du matin au soir, comme un pauvre chien galeux, d’être obligé de faire sa soupe, de ne jamais manger un bon morceau, pendant que sa femme s’amusait dans les noces ou chez les pratiques, était grassement nourrie, ne manquait de rien ! Et lorsqu’à midi, le bonhomme se retrouvait tristement devant l’éternelle ter-