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la panse reluisait comme un soleil au fond de la cuisine.

Il pouvait avoir treize ans. Sa figure bistrée était charmante et fine ; ses yeux, très noirs, largement cernés de bleu, avaient une expression à la fois gamine et nostalgique ; ses cheveux, noirs aussi, longs et plats, lui eussent donné l’air d’un page, comme on en voit dans les romans de chevalerie et sur les vieux vitraux, n’étaient la pauvreté de sa veste de toile déchirée en dix endroits, et la misère de son pantalon rapiécé et trop court qui montrait le bas des mollets, les chevilles délicates, les pieds nus racornis par la marche et jaunis dans la poussière des chemins. Il avait d’ailleurs une apparence de bonne santé et de force.

Quand il se fut rassasié, je l’interrogeai :

— De quel pays es-tu, petit ?

— Moi, je suis bohémien, c’est-à-dire que mon père était bohémien ; parce que moi, je ne suis de nulle part. Je suis né dans une