Page:Mirbeau - Lettres de ma chaumière.djvu/105

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Canard, et sa froideur ne tarda pas à se changer en une hostilité déclarée. Canard le dédaignait, et quand cet ennemi montrant les crocs, le poil hérissé, venait lui proposer le combat, il haussait les épaules d’un air de pitié. Évidemment Canard avait décidé de tuer le dogue par le ridicule qui est — il faut bien le croire — une arme aussi terrible aux pattes des chiens qu’aux mains des hommes. Un jour — un jour de marché — le dogue s’approcha de Canard d’un ton si menaçant que celui-ci, d’un seul coup de patte, culbuta le dogue qui s’enlisa dans une mare de mortier et si malheureusement qu’on eut toutes les peines du monde à l’en retirer. Vous pensez si le tour fut trouvé plaisant ; peu s’en fallut que paysans et marins ne portassent Canard en triomphe. Le lendemain, le dogue, si honteux la veille, avait repris courage. Il s’approcha de Canard, bien résolu à se cruellement venger, cette fois… Mais Canard ne l’entendait pas ainsi, il avait son idée.