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Je regarde le guide. Il est petit, souple, trapu… Mais il est triste aussi… Il n’y a pas de ciel dans ses yeux… Il n’y a que le reflet sombre et tout proche, et sans espoir, de ces murs entre lesquels nous marchons.
Ah ! rentrons, rentrons…

Alors, j’ai fini par ne plus quitter le jardin de l’hôtel… Ce jardin est clos de murs, et les murs sont percés de fenêtres, et, derrière ces fenêtres, parfois, j’aperçois quelque chose qui me rassure et qui ressemble presque à de la vie… Oui, il y a, parfois, des visages à ces fenêtres… En ce moment, j’aperçois un monsieur qui se frise la moustache, un autre qui passe son smoking… Et, ici, à gauche, une femme de chambre corsette sa maîtresse… Je me raccroche à ces visages et à ces images… Je me raccroche aux allants et venants qui passent dans le jardin, aux pauvres géraniums des massifs, aux bananiers frileux des pelouses, aux souliers jaunes, aux robes blanches, à l’habit obséquieux des garçons… Je me raccroche à tout cela pour me bien prouver à moi-même que c’est là de la vie, et que je ne suis pas mort…

Mais je suis pris par une autre mélancolie, la mélancolie des villes d’eaux, avec toutes ces existences disparates, jetées hors de chez soi… D’où viennent-elles ? Où vont-elles ?… On ne le sait pas… et elles ne le savent pas elles-mêmes… En