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qui l’attendait… L’heure de la marée pressait. Elle engagea Mathurine. Et, après lui avoir donné les ordres pour le dîner, elle partit. On verrait plus tard.

Il était huit heures du soir, quand, délicieusement fatiguées et ravies de leur promenade, elles débarquèrent, non loin de leur propriété, masquée à cet endroit par une élévation verdoyante de la rive.

— Je suis curieuse de savoir, dit gaiement Mme Lechanteur, comment notre Mathurine se sera tirée de son dîner… Nous allons peut-être manger des choses extraordinaires.

Puis, reniflant légèrement :

— Comme ça sent le roussi ! fit-elle.

En même temps, au-dessus des arbres, dans le ciel, elle vit une colonne de fumée épaisse et noire qui montait, et il lui sembla entendre des clameurs, des cris effarés, des appels sinistres de voix humaines.

— Mais que se passe-t-il donc ? se demanda-t-elle, inquiète… On dirait que c’est à Toulmanac’h…

Vite, elle escalada la rive, coupa par le bois, courut… Les clameurs se rapprochaient, les cris se faisaient plus distincts… Et tout à coup, aveuglée par la fumée, étourdie, bousculée, elle se trouva dans la cour, et poussa un cri d’horreur… De Toulmanac’h, il ne restait plus rien, rien que des