Page:Mirbeau - Les Vingt et un Jours d’un neurasthénique, 1901.djvu/339

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

heure, et que vous ne serez pas trop pressé…

Je n’aime pas trop les gens pressés.


Le narrateur replia la terre, la remit dans sa poche… Il y eut un silence, et je sentis comme un petit vent froid qui me passait sur la nuque…


Triceps, tout à ses devoirs de maître de maison, n’avait pas prononcé une parole durant tous ces récits… Mais il n’était pas homme à ne point en tirer des conclusions scientifiques.

— Mes amis, dit-il, j’ai écouté attentivement vos histoires. Et elles me confirment davantage dans l’opinion que, depuis longtemps, depuis le congrès de Folrath, surtout, je me suis faite de la misère humaine. Tandis que vous prétendiez que la pauvreté était le résultat d’un état social défectueux et injuste, moi, j’affirmais qu’elle n’était pas autre chose qu’une déchéance physiologique individuelle… Tandis que vous prétendiez que la question sociale ne pourrait être résolue que par la politique, l’économie politique, la littérature militante, moi je criais bien haut qu’elle ne pouvait l’être que par la thérapeutique… Mais c’est évident… il n’y a plus de doute… Ah ! la science, quelle merveille !… Vous savez à la suite de quelles expériences rigoureuses, inflexibles, nous fûmes, quelques scientistes et moi, amenés à décréter que le génie, par exemple, n’était qu’un affreux trouble mental ?… Les hommes