Page:Mirbeau - Les Vingt et un Jours d’un neurasthénique, 1901.djvu/284

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pas, toi, Charles Le Teur, pour panser ta jument… et toi, Joséphine Briac, pour récurer tes chaudrons… Ah ! ça vous est égal, à vous, pendant que vous vous gobergez dans l’abondance et dans le luxe, ça vous est égal, misérables pécheurs, que la Sainte Mère de Dieu, le jour des processions et des grandes fêtes paroissiales, se promène, au milieu de vous, vêtue de sales guenilles et le derrière à l’air !… Eh bien, il faut que ça finisse… La Vierge en a assez de votre coupable indifférence et de vos ignobles péchés… Elle veut une bannière neuve, vous entendez… une bannière éclatante… tout ce qui se fait de mieux… une bannière d’au moins deux cents francs… Écoutez-moi bien… et retenez mes paroles, si vous ne voulez pas que les plus affreux malheurs fondent sur vous, sur vos champs… sur vos barques… si vous ne voulez pas être changés en raies… en crapauds… en piternes… en chiens de mer… Écoutez-moi… Toi, Yves Legonnec, tu donneras cent sous… Qu’est-ce que tu dis ?… Rien ?… À la bonne heure… Tu économiseras sur tes soûleries, cochon !… Toi, Rose Kerlaniou… cent sous aussi… Et si je te repince à faire encore des saletés, derrière le môle, avec le gars Kerlaur… ce ne sera pas cent sous… ce sera dix francs… Toi, la mère Milliner, tu donneras le veau qui t’est né hier soir… Et ne me regarde pas comme ça, vieille voleuse… parce que si tu t’entêtes, ce n’est pas le veau, seulement, que tu donneras… c’est la