Page:Mirbeau - Les Vingt et un Jours d’un neurasthénique, 1901.djvu/283

Cette page n’a pas encore été corrigée

gion et son sacerdoce au sérieux. Contrairement à la majorité de ses collègues bretons, que l’on trouve toujours, lorsqu’on leur rend visite, en train de mettre du vin en bouteille ou de trousser une fille, il était sobre, chaste, et menait une vie d’ascète. Et quel administrateur !… Avec la complicité du maire, son ami, et en tondant chaque jour, au moyen de quêtes ingénieuses et de dîmes effroyables, sur la misère des pauvres gens du Kernac, il était parvenu à bâtir, sans l’aide du Département et de l’État, une belle église en pierre blanche, avec un portail sculpté et un clocher à jour, sommé d’une immense croix d’or. Et c’était un spectacle imprévu que la richesse de ce temple au milieu de la désolation indicible de ce pays… Le curé ne s’en tenait pas là. Toutes les semaines, au prône, sans se lasser jamais, il réclamait de la ferveur de ses paroissiens, ou il arrachait à leurs craintes – car on le savait vindicatif et tout-puissant – des sacrifices nouveaux, de plus en plus lourds. Un dimanche, il monta en chaire, brandissant la bannière de la sainte Vierge.

— Regardez cette bannière, s’écria-t-il d’une voix furieuse.. est-ce pas une honte ? Regardez-ça… Est-ce une bannière ?… La soie en est pourrie, les franges usées et les glands dédorés… la hampe ne tient plus… Il n’y a plus trace, nulle part, de broderies… Et quant à l’image de la sainte Vierge… bernique !… Tu n’en voudrais