Page:Mirbeau - Les Vingt et un Jours d’un neurasthénique, 1901.djvu/276

Cette page n’a pas encore été corrigée

animal-là… Une occasion… unique… exceptionnelle ?… Que diable… laissez-vous conduire par moi, mon cher… Je sais ce qu’il vous faut… Attention !… C’est le moment…

C’était le moment, en effet…

Débarrassées de leurs housses de toile, les voitures, enfin étaient là… dans toute leur majesté historique, devant lui…

D’abord, il « n’en crut pas ses yeux »…

— Le marquis se trompe, sûrement, se dit-il… Ces vieux sabots démolis… ces fiacres antédiluviens et qu’on sent usés de partout… il ne se peut pas que ce soient là… les voitures… les admirables voitures de Monsieur le duc d’Orléans… Non… ce n’est pas possible… L’œil plus rond, la bouche tordue d’une grimace, il examinait les voitures avec un prodigieux étonnement… et son regard, de plus en plus étonné, allait ensuite vers le marquis, comme pour solliciter une protestation, ou, tout au moins, une explication… Mais la physionomie du marquis n’exprimait rien de pareil… Bien d’aplomb sur les jambes, les paumes aux hanches, les coudes écartés, il se dandinait avec aisance – une aisance tout aristocratique – et il souriait, comme quelqu’un qui prend plaisir à se retrouver devant quelque chose de très beau.

— Eh bien, mon vieux Chomassus… interrogea le marquis, que dites-vous de mes voitures ?… Sont-elles assez épatantes ?…