Page:Mirbeau - Les Vingt et un Jours d’un neurasthénique, 1901.djvu/268

Cette page n’a pas encore été corrigée

— Ah ! non… disait-il… On ne se fait pas de ces blagues-là, entre gentilshommes… On ne se fiche pas du monde… avec cette impudence.

Et il partait furieux.

Aussi le marquis, désespérant de vendre jamais ses maudites voitures, en l’état lamentable où elles se trouvaient, avait-il pris le parti de les faite réparer succinctement par le charron du pays, et il avait chargé le peintre de leur donner le maquillage d’un léger coup de peinture. Puis, il les avait recouvertes de housses vénérables, les laissait dormir dans une remise, attendant l’occasion de les placer à quelqu’un, avantageusement.

— Car, disait-il souvent, l’occasion ne manque jamais, de « rouler » royalement les gens… Il suffit « d’avoir l’estomac », de l’attendre.

Toute la vie, il avait mis en pratique ce sage aphorisme, et s’en était bien trouvé. Aussi, dès qu’il eut rencontré l’excellent Chomassus, il avait senti tout de suite, avec ce flair spécial du gentilhomme, que ce brave homme-là était l’occasion attendue…

Comme ils se dirigeaient vers les remises, d’un pas gai, bras dessus bras dessous, le marquis se mit à étourdir plus encore, de paroles, de gestes, de tapes sur l’épaule et d’histoires drôles, l’ancien facteur aux Halles, déjà préparé à toutes les capitulations par un bon repas, par le sourire si exquis de la marquise, par la cordialité si avenante, si bon enfant du marquis, et surtout par les trois siècles