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Chomassus « n’en revenait pas ». Il dodelinait de la tête… et il répétait :

— Enfin… monsieur le marquis… si vous croyez ?…

— Parbleu !… si je crois ?… Encore un verre de cette fine champagne… Et aux remises, mon cher… Vous allez être épaté… je vous en réponds…

Tout à coup, il devint soucieux… et, regardant sa femme qui feuilletait un journal :

— À moins, dit-il… que la marquise ne s’y oppose ?… Car ces deux admirables voitures je les destinais, plutôt, à son service…

Aimable et souriante, la marquise répondit :

— Pour un autre… je dirais non… tout de suite… mais, pour monsieur Chomassus… il n’y a rien que je ne fasse…

Chomassus était de plus en plus troublé… Certes, cela l’ennuyait un peu de s’encombrer de deux voitures aussi somptueuses. Cela nécessiterait l’entretien d’un cocher… la nourriture de deux chevaux… un surcroît d’impôts… C’était bien lourd, pour lui, peut-être, trop luxueux… Mais comment refuser une telle occasion, et si délicatement offerte ?… Il eût fallu être le dernier des goujats…

— Vraiment, madame la marquise… vous me comblez… remercia Chomassus d’une voix que l’émotion… le désir d’être galant… la fierté… l’orgueil… faisaient légèrement trembler…