Page:Mirbeau - Les Vingt et un Jours d’un neurasthénique, 1901.djvu/25

Cette page n’a pas encore été corrigée

d’un si haut rêve, dans une réalité aussi décriée ? Je lui en exprimai mon étonnement.

— Oh ! tu me trouves changé ?… me dit-il… C’est vrai… Et c’est toute une histoire… Veux-tu que je te la raconte ?

Et sans attendre mon consentement, voici l’étrange récit qu’il me fit :


« Il y a une dizaine d’années, étant malade je fus envoyé à X… Assurément, cette réputation de grande guérisseuse, X… la mérite plus que toutes les autres stations du même genre, car, durant les six années consécutives que je vins demander la guérison à ses eaux, à son climat, au traitement de ses médecins, pas une seule fois je n’entendis parler de mort, pas une seule fois je n’appris qu’un malade fût mort. Oui, véritablement, la mort semblait avoir été supprimée de ce coin de la terre française… À la vérité, il arrivait quotidiennement que bien des personnes disparussent tout d’un coup… Et si vous vous informiez : « Elles sont parties hier », telle était la réponse invariable… Un jour, dînant avec le directeur de l’établissement, le maire de la ville et le tenancier du Casino, je m’émerveillai de ce persistant miracle, non, toutefois, sans émettre quelques doutes sur son authenticité.

» – Vous pouvez vous renseigner, dirent-ils en chœur… Voilà plus de vingt ans que nous n’avons eu, ici, un enterrement… À telles enseignes, cher monsieur,