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qui semble venir maintenant d’un autre point de la chambre.

— Eh bien, alors, réplique la voix de la femme. Pourquoi m’as-tu dit cela ? Tu as l’air de croire que je ne sais pas ce que je fais ?…

J’entends des pas lourds qui longent la cloison et vont, ensuite, s’éloignant… puis la voix de l’homme, mais si indistincte, qu’elle n’est plus qu’une sorte de roulement monotone et prolongé, quelque chose comme : ou-ou-ou-ou-ou…

Ce à quoi la femme répond, d’une voix qui traverse la cloison ainsi qu’un bruit strident de toile qu’on déchire :

– Non, non, j’en ai assez… Je ne veux plus de cette coquine chez moi, de cette salle fille chez moi. Je la mets à la porte. Elle partira demain matin. Quand je pense que j’ai été obligée de recoudre moi-même… moi-même, entends-tu… mes jarretelles ? C’est intolérable…

La voix du mari fuit encore, en même temps que m’arrive le bruit d’une montre qu’on remonte :

– Ou-ou-ou-ou-ou.

– Quoi ?… qu’est-ce que tu dis ?… Tu es fou, je pense…

Bien que j’aie collé mon oreille contre la cloison, il m’est impossible de saisir la réponse. Je comprends, pourtant, au balancement bonhomme de ce bruit, que la voix plaide en faveur de la femme de chambre :

– Ou-ou-ou-ou-ou !