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me dérangeait pas – qu’il viendrait, le lendemain même, s’installer dans le petit pavillon, dont, sur sa prière, je lui remis une des clefs.

Le lendemain, il ne vint pas ; le surlendemain, il ne vint pas davantage. Huit jours, quinze jours s’écoulèrent, sans que j’entendisse parler de lui. C’était curieux, mais explicable, après tout. Il était peut-être tombé malade. Mais il m’eût écrit, son excessive politesse m’en était le garant. Peut-être, la compagne qu’il devait amener dans le petit pavillon avait-elle, au dernier moment, refusé de venir ? Ceci me sembla davantage plausible, car je ne doutais pas un instant que Jean-Jules-Joseph Lagoffin n’eût loué cet admirable et discret pavillon en vue d’une compagne quelconque, ses yeux bridés à l’éblouissante vision des Fragonard et le mouvement désordonné de la perruque m’étant une indication formelle de ses intentions luxurieuses. Et je jugeai que je n’avais pas à me préoccuper outre mesure qu’il vînt ou qu’il ne vînt pas, puisque j’étais payé, payé généreusement, payé au-delà de mes espoirs.

Un matin, j’allais donner de l’air aux pièces du petit pavillon, resté fermé depuis la visite de Jean-Jules-Joseph Lagoffin. Je traversai l’antichambre, la salle à manger, le salon, et, sur le seuil du cabinet, je poussai un cri et reculai d’horreur.

Sur des coussins, un corps nu, un cadavre de petite fille, était étendu, effrayamment raide, les membres