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ne veux rien de vous… Vous êtes un méchant homme.

« Le soir, ma femme ne parut pas à table et ne voulut pas me recevoir dans sa chambre, qu’elle avait verrouillée.

» – Allez-vous-en… me dit-elle à travers la porte… je suis très malade… Je ne veux plus vous voir… » Vainement, je suppliai… vainement, avec une éloquence surprenante, je l’adjurai de me pardonner, si je lui avais involontairement causé de la peine… J’allai même jusqu’à m’excuser.

» – Eh bien, oui ! criai-je en tordant la clef… de la porte… Eh bien, oui… il y avait un pont…

« Elle demeura inflexible et têtue, répétant : » – Non… non… c’est fini… c’est trop tard !… Je ne veux plus vous voir… Allez-vous-en…

« Je me retirai et passai la nuit dans les larmes.

» – Mon Dieu ! me disais-je, en marchant dans ma chambre, encore une qui m’échappe… Et pourquoi ?… Et que se passe-t-il en elle ?… Ne peut-elle point me pardonner qu’il n’y ait point eu de pont sur la rivière ?… C’est possible… Déjà Clémence m’avait quitté, parce qu’un soir, en sortant du bal, il avait plu et que sa toilette fut perdue… Ou bien s’imagine-t-elle sincèrement, à cette heure, que c’est moi qui, par une cruauté raffinée, et par mon autorité bête de mari, alors qu’elle était très lasse, l’ai méchamment obligée à suivre la sente est à passer sur un pont