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— Je le sais, monsieur.

Puis, après un petit silence, il se présenta :

— Je suis le premier mari de la marquise…

Je saluai, et ayant salué, je pris une attitude nettement interrogative.

— Voilà, monsieur… J’aime toujours la marquise… Je la suis partout où elle va… Je n’ose lui parler, ni lui écrire… Alors, j’ai pensé…

— À quoi, monsieur ?

Il parut, tout à coup, très embarrassé… Et il gémit :

— Ah ! monsieur… ma destinée a quelque chose de véritablement extraordinaire… Voulez-vous me permettre de vous raconter, d’abord, l’étrange histoire de mon mariage ?

Sur un geste de consentement :


« – La marquise, dit-il, était, quand je l’épousai, une petite femme rose et blonde, très singulière, vive et charmante petite bestiole qui sautait, de-ci de-là, comme un chevreau dans la luzerne, et babillait, comme un oiseau dans les bois au printemps. À vrai dire, ce n’était pas tout à fait une femme, ni tout à fait une bestiole, ni absolument un oiselet. C’était quelques chose de plus mécanique et de très particulier, qui, par le bruit, l’intelligence, l’étourderie bavarde, le caprice virevoltant, la manière d’être si loin de mes goûts, de mes sensations, de mon amour, tenait un peu de tout cela. Ce qu’il y avait de curieux en elle, c’était son âme,