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la peau de femme. Nul fleuron, nulle vignette, nul cul-de-lampe, nul ornement par où s’avère, si lourdement, l’ordinaire incompétence, en éditerie, des éditeurs. Le goût qui présida à l’ameublement de ce livre fut exquis.

M. de Montesquiou a la passion de l’unique. Il donne à tout ce qu’il touche, aime et pense : étoffes, sensations, bibelots, intellectualités, un caractère d’étrangeté quintessenciée, des formes de mystifiante surnaturation, qui peuvent étonner le bourgeois nestorien, mais qui enchantent l’artiste par l’esprit très fin, le goût très pur, la sensibilité très vive, et aussi par cette très particulière ironie dont le poète nuance, à l’infini, l’élégance dé son dégoût, les politesses de son dédain. Dans les Chauves-Souris les épigraphes placées en tête de chaque poème, le titre même de ces poèmes, témoignent une culture littéraire peu commune, des lectures profondes, des habitudes intellectuelles très nobles, que n’ont point accoutumées bien des écrivains de profession. M. de Montesquiou n’y insiste pas. Il semble qu’il met de la coquetterie à ne point effrayer le lecteur par sa vaste et rare érudition, préférant le charmer par l’imprévu de ses sensations et la grâce de ses qualités imaginatives, mais il ne faut pas s’y tromper, son apparente frivolité cache un fonds de pensées graves, son spleen masque de