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vive, quelque chose comme un coup de fouet au creux de l’estomac… Si c’était de Joseph que Marianne fût enceinte ?… Je me rappelle que, le jour de mon entrée ici, j’ai tout de suite soupçonné qu’ils pussent coucher ensemble… Mais ce soupçon stupide, rien depuis ne l’a justifié ; au contraire… Non, non, c’est impossible… Si Joseph avait eu des relations d’amour avec Marianne, je l’aurais su… je l’aurais flairé… Non, cela n’est pas… cela ne peut pas être… Et puis, Joseph est bien trop artiste dans son genre… Je demande :

— Vous êtes sûre d’être enceinte, Marianne.

Marianne se tâte le ventre… ses gros doigts s’enfoncent, disparaissent dans les plis du ventre, comme dans un coussin de caoutchouc mal gonflé :

— Sûre ?… Non… fait-elle… J’ai peur seulement.

— Et de qui pourriez-vous être enceinte, Marianne ?

Elle hésite à répondre… puis, brusquement, avec une sorte de fierté, elle proclame :

— De Monsieur, donc !

Cette fois, j’ai failli étouffer de rire. Il ne manquait plus que ça à Monsieur… Ah ! il est complet, Monsieur !… Marianne, qui croit que mon rire est de l’admiration, se met à rire, elle aussi…

— Oui… oui, de Monsieur !… répète-t-elle…

Mais comment se fait-il que je ne me sois