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celui d’une vieille poule, accouflée dans le soleil. Il était à mourir de rire.

— Célestine… dit-il… moi, j’aime mieux vous appeler Célestine… cela ne vous froisse pas ?

J’avais beaucoup de peine à ne pas éclater…

— Mais non, Monsieur… répondis-je, en me tenant sur la défensive.

— Eh bien, Célestine… je vous trouve charmante… voilà !

— Vrai, Monsieur ?

— Adorable, même… adorable… adorable !

— Oh ! Monsieur…

Ses doigts avaient quitté ma main… ils remontaient le long de mon corsage, chargés de désirs, et de là, ils me caressaient le cou, le menton, la nuque, de petits attouchements gras, mous et pianoteurs.

— Adorable… adorable !… soufflait-il.

Il voulut m’embrasser. Je me reculai un peu, pour éviter ce baiser :

— Restez, Célestine… je vous en prie… Je t’en prie !… Cela ne t’ennuie pas que je te tutoie ?

— Non, Monsieur… cela m’étonne.

— Cela t’étonne… petite coquine… cela t’étonne ?… Ah ! tu ne me connais pas !…

Il n’avait plus la voix sèche. Une bave menue moussait à ses lèvres.

— Écoute-moi, Célestine. La semaine prochaine je vais à Lourdes… oui, j’emmène à Lourdes un pèlerinage… Veux-tu venir à Lour-