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— Eh bien, Joseph… dites-moi que c’est vous qui avez violé la petite Claire, dans le bois…

Joseph a reçu le choc, avec une extraordinaire tranquillité. Il a seulement haussé les épaules, s’est dandiné quelques secondes et, remontant son pantalon qui avait un peu glissé, il a répondu simplement :

— Vous voyez bien… quand je vous le disais !… Je connais vos pensées, allez… je connais tout ce qui se passe dans vos pensées…

Il a adouci sa voix, mais son regard est devenu si effrayant qu’il m’a été impossible d’articuler une parole…

— S’agit pas de la petite Claire… s’agit de vous…

Comme l’autre soir, il m’a prise dans ses bras…

— Viendrez-vous avec moi, dans le petit café ?

Toute frissonnante, toute balbutiante, j’ai trouvé la force de répondre :

— J’ai peur… j’ai peur de vous… Joseph… Pourquoi ai-je peur de vous ?

Il m’a tenue bercée, dans ses bras. Et, dédaigneux de se justifier, heureux peut-être d’augmenter mes terreurs, il m’a dit d’un ton paternel :

— Eh ben… eh ben… puisque c’est ça, j’en recauserons… demain…


Il circule en ville un journal de Rouen où il y a un article qui fait scandale, parmi les dévotes.