Page:Mirbeau - Le Jardin des supplices.djvu/69

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tribunaux leur donnent raison… C’est un peu fort !… Sans compter que le peu qu’ils laissent crève d’on ne sait quelles épidémies… Alors, je vais au Tonkin… Quel admirable pays de chasse !… C’est la quatrième fois, mon cher monsieur, que je vais au Tonkin…

— Ah ! vraiment ?…

— Oui !… Au Tonkin, il y a de tous les gibiers en abondance… Mais surtout des paons… Quel coup de fusil, monsieur !… Par exemple, c’est une chasse dangereuse… Il faut avoir l’œil.

— Ce sont, sans doute, des paons féroces ?…

— Mon Dieu, non… Mais telle est la situation… Là où il y a du cerf, il y a du tigre… et là où il y a du tigre, il y a du paon !…

— C’est un aphorisme ?…

— Vous allez me comprendre… Suivez-moi bien… Le tigre mange le cerf… et…

— Le paon mange le tigre ?… insinuai-je gravement…

— Parfaitement… c’est-à-dire… voici la chose… Quand le tigre est repu du cerf, il s’endort… puis il se réveille… se soulage et… s’en va… Que fait le paon, lui ?… Perché dans les arbres voisins, il attend prudem-