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savants en mission… les vrais. Ces libéralités insolites, je les devais sans doute à cette circonstance que, n’étant point du tout un savant, j’avais, plus que tout autre, besoin de plus grandes ressources, pour en jouer le rôle.

On avait prévu l’entretien de deux secrétaires et de deux domestiques, l’achat fort coûteux d’instruments d’anatomie, de microscopes, d’appareils de photographie, de canots démontables, de cloches à plongeur, jusqu’à des bocaux de verre pour collections scientifiques, des fusils de chasse et des cages destinées à ramener vivants les animaux capturés. Vraiment, le gouvernement faisait luxueusement les choses, et je ne pouvais que l’en louer. Il va sans dire que je n’achetai aucun de ces impedimenta, et que je décidai de n’emmener personne, comptant sur ma seule ingéniosité, pour me débrouiller au milieu de ces forêts inconnues de la science et de l’Inde.

Je profitai de mes loisirs, pour m’instruire sur Ceylan, ses mœurs, ses paysages, et me faire une idée de la vie que je mènerais, là-bas, sous ces terribles tropiques. Même en éliminant ce que les récits des voyageurs