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positions de mon humeur, ordinairement joyeuse et galante.

— Du ressort !… me disait-on. Vous êtes jeune, que diable !… Il faut de l’estomac dans la carrière politique… Ce sera pour la prochaine fois.

À ces phrases de consolation banale, aux sourires engageants, aux gorges offertes, je répondais obstinément :

— Non… non… Ne me parlez plus de la politique… C’est ignoble !… Ne me parlez plus du suffrage universel… C’est idiot !… Je ne veux plus… Je ne veux plus en entendre parler.

Et Mme G…, fleurs, plumes et dentelles subitement soulevées autour de moi, en vagues multicolores et parfumées, me soufflait dans l’oreille, avec des pâmoisons maniérées et des coquetteries humides de vieille proxénète :

— Il n’y a que l’amour, voyez-vous… Il n’y a jamais que l’amour !… Essayez de l’amour !… Tenez, ce soir, justement, il y a ici une jeune Roumaine… passionnée… ah !… et poète, mon cher… et comtesse !… Je suis sûre qu’elle est folle de vous… D’abord toutes les femmes sont folles de vous… Je vais vous présenter…