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avec des faces de luxure plus tristes que des faces de supplice, attendaient. C’était, devant chaque porte où nous passions, des râles, des voix haletantes, des gestes de damnés, des corps tordus, des corps broyés, toute une douleur grimaçante qui, parfois, hurlait sous le fouet de voluptés atroces et d’onanismes barbares. Je vis, défendant l’entrée d’une salle, un groupe de bronze dont la seule arabesque des lignes me donna une secousse d’horreur… Une pieuvre, de ses tentacules, enlaçait le corps d’une vierge et, de ses ventouses ardentes et puissantes, pompait l’amour, tout l’amour, à la bouche, aux seins, au ventre.

Et je crus que j’étais dans un lieu de torture et non dans une maison de joie et d’amour.

L’encombrement du couloir devint tel que, durant quelques secondes, nous fûmes obligés de nous arrêter en face d’une salle — la plus vaste de toutes — qui se différenciait des autres par sa décoration et par son éclairage d’un rouge sinistre… D’abord, je ne vis que des femmes — une mêlée de chairs forcenées et de vives écharpes — des femmes qui se livraient à des danses fréné-