Page:Mirbeau - Le Jardin des supplices.djvu/308

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’un art étrange, savant et magnifique. La frise du baldaquin, précieux travail de bois colorié, reproduisait exactement un fragment de cette décoration du temple souterrain d’Eléphanta, que les archéologues, selon les traditions brahmaniques, appellent pudiquement : l’Union de la Corneille… Un large et profond matelas de soie brodée occupait le centre de la barque, et du plafond descendait une lanterne à transparents phalliques, une lanterne en partie voilée d’orchidées et qui répandait sur l’intérieur du sampang une demi-clarté mystérieuse de sanctuaire ou d’alcôve.

Clara se jeta sur les coussins. Elle était extraordinairement pâle et son corps tremblait, secoué par des spasmes nerveux. Je voulus lui prendre les mains… Ses mains étaient toutes glacées.

— Clara !… Clara !… implorai-je… qu’avez-vous ?… De quoi souffrez-vous ?… Parlez-moi !…

Elle répondit d’une voix rauque, d’une voix qui sortait péniblement du fond de sa gorge contractée :

— Laisse-moi tranquille… Ne me touche pas… ne me dis rien… Je suis malade.