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Eugène Mortain appartenait à cette école de politiciens que, sous le nom fameux d’opportunistes, Gambetta lança comme une bande de carnassiers affamés sur la France. Il n’ambitionnait le pouvoir que pour les jouissances matérielles qu’il procure et l’argent que des habiles comme lui savent puiser aux sources de boue. Je ne sais pas pourquoi, d’ailleurs, je fais au seul Gambetta l’historique honneur d’avoir combiné et déchaîné cette morne curée qui dure encore, en dépit de tous les Panamas. Certes, Gambetta aimait la corruption ; il y avait, dans ce démocrate tonitruant, un voluptueux ou plutôt un dilettante de la volupté, qui se délectait à l’odeur de la pourriture humaine ; mais il faut le dire, à sa décharge et à leur gloire, les amis dont il s’entourait et que le hasard, plus encore qu’une sélection raisonnée attacha à sa courte fortune, étaient bien de force à s’élancer eux-mêmes et d’eux-mêmes sur la Proie éternelle où, déjà, tant et tant de mâchoires avaient croché leurs dents furieuses.

Avant d’arriver à la Chambre, Eugène Mortain avait passé par tous les métiers — même