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spadices sanguinolents, imitant la forme de monstrueux phallus… Attirées par l’odeur de cadavre que ces horribles plantes exhalaient, des mouches volaient autour, par essaims serrés, des mouches s’engouffraient au fond de la spathe, tapissée, de haut en bas, de soies contractiles qui les enlaçaient et les retenaient prisonnières, plus sûrement que des toiles d’araignées… Et le long des tiges, les feuilles digitées se crispaient, se tordaient, telles des mains de suppliciés.

— Tu vois, cher amour, professa Clara… ces fleurs ne sont point la création d’un cerveau malade, d’un génie délirant… c’est de la nature… Quand je te dis que la nature aime la mort !…

— La nature aussi crée les monstres !

— Les monstres !… les monstres !… D’abord, il n’y a pas de monstres !… Ce que tu appelles des monstres ce sont des formes supérieures ou en dehors, simplement, de ta conception… Est-ce que les dieux ne sont pas des monstres ?… Est-ce que l’homme de génie n’est pas un monstre, comme le tigre, l’araignée, comme tous les individus qui vivent, au-dessus des mensonges sociaux, dans la resplendissante et divine immora-