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fixion, des gibets aux enluminures violentes, des potences toutes noires au sommet desquelles ricanaient d’affreux masques de démons ; hautes potences pour la strangulation simple, gibets plus bas et machinés pour le dépècement des chairs. Sur les fûts de ces colonnes de supplice, par un raffinement diabolique, des calystégies pubescentes, des ipomées de la Daourie, des lophospermes, des coloquintes enroulaient leurs fleurs, parmi celles des clématites et des atragènes… Des oiseaux y vocalisaient leurs chansons d’amour…

Au pied d’un de ces gibets, fleuri comme une colonne de terrasse, un tourmenteur, assis, sa trousse entre les jambes, nettoyait de fins instruments d’acier avec des chiffons de soie ; sa robe était couverte d’éclaboussures de sang ; ses mains semblaient gantées de rouge. Autour de lui, comme autour d’une charogne, bourdonnaient et tourbillonnaient des essaims de mouches… Mais, dans ce milieu de fleurs et de parfums, cela n’était ni répugnant, ni terrible. On eût dit, sur sa robe, une pluie de pétales tombés d’un cognassier voisin… Il avait, d’ailleurs, un ventre pacifique et débonnaire… Son