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à en respirer l’étrange odeur, puis, me barbouillant le visage de pollen :

— Oh ! chéri… chéri !… fit-elle… la belle plante !… Et comme elle me grise !… Comme elle m’affole !… Est-ce curieux qu’il y ait des plantes qui sentent l’amour ?… Pourquoi, dis ?… Tu ne sais pas ?… Eh bien, je le sais, moi… Pourquoi y aurait-il tant de fleurs qui ressemblent à des sexes, si ce n’est pas parce que la nature ne cesse de crier aux êtres vivants par toutes ses formes et par tous ses parfums : « Aimez-vous !… aimez-vous !… faites comme les fleurs… Il n’y a que l’amour !… » Dis-le aussi qu’il n’y a que l’amour. Oh ! dites-le vite, cher petit cochon adoré…

Elle continua de humer l’odeur du thalictre et d’en mâchonner la grappe, dont le pollen se collait à ses lèvres. Et brusquement, elle déclara :

— J’en veux dans le jardin… j’en veux dans ma chambre… dans le kiosque… dans toute la maison… Sens, petit cœur, sens !… Une simple plante… est-ce admirable !… Et maintenant, viens… viens !… Pourvu que nous n’arrivions pas trop tard… à la cloche !…