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de la région, le vice-président des comités gambettistes, le fondateur de ligues diverses, groupements de résistance et syndicats professionnels, Eugène recelait, en lui, dès l’enfance, une âme de « véritable homme d’État ».

Quoique boursier, il s’était, tout de suite, imposé à nous, par une évidente supériorité dans l’effronterie et l’indélicatesse, et aussi par une manière de phraséologie, solennelle et vide, qui violentait nos enthousiasmes. En outre, il tenait de son père la manie profitable et conquérante de l’organisation. En quelques semaines, il eut vite fait de transformer la cour du collège en toutes sortes d’associations et de sous-associations, de comités et de sous-comités, dont il s’élisait, à la fois, le président, le secrétaire et le trésorier. Il y avait l’association des joueurs de ballon, de toupie, de saute-mouton et de marche, le comité de la barre fixe, la ligue du trapèze, le syndicat de la course à pieds joints, etc… Chacun des membres de ces diverses associations était tenu de verser à la caisse centrale, c’est-à-dire dans les poches de notre camarade, une cotisation mensuelle de cinq sous, laquelle, entre autres avan-