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cieuse et féroce se profile sur la désolation des peuples vaincus, accolée à celle du soldat égorgeur et du Shylock rançonnier. Dans les forêts vierges, où l’Européen est plus justement redouté que le tigre, au seuil de l’humble paillote dévastée, entre les cases incendiées, il apparaît, après le massacre, comme, les soirs de bataille, l’écumeur d’armée qui vient détrousser les morts. Digne pendant, d’ailleurs, de son concurrent, le missionnaire catholique qui, lui aussi, apporte la civilisation au bout des torches, à la pointe des sabres et des baïonnettes… Hélas !… la Chine est envahie, rongée par ces deux fléaux… Dans quelques années, il ne restera plus rien de ce pays merveilleux, où j’aime tant à vivre !…

Tout à coup, elle se leva, et poussant un cri :

— Et la cloche, mon amour !… On n’entend plus la cloche… Ah ! mon Dieu… il sera mort !… Pendant que nous étions là, à causer, on l’aura, sans doute, conduit au charnier… Et nous ne le verrons pas !… C’est de ta faute, aussi…

Elle m’obligea à me lever du banc…

— Vite !… vite ! chéri !…