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et devant moi des horizons, des horizons !

Je regardais, ébloui ; ébloui de la lumière plus douce, du ciel plus clément, ébloui même des grandes ombres bleues que les arbres, mollement, allongeaient sur l’herbe, ainsi que de paresseux tapis ; ébloui de la féerie mouvante des fleurs, des planches de pivoines que de légers abris de roseaux préservaient de l’ardeur mortelle du soleil… Non loin de nous, sur l’une de ces pelouses, un appareil d’arrosage pulvérisait de l’eau dans laquelle se jouaient toutes les couleurs de l’arc-en-ciel, à travers laquelle les gazons et les fleurs prenaient des translucidités de pierres précieuses.

Je regardais avidement, sans jamais me lasser. Et je ne voyais alors aucun de ces détails que je recomposai plus tard ; je ne voyais qu’un ensemble de mystères et de beautés dont je ne cherchais pas à m’expliquer la brusque et consolante apparition. Je ne me demandais même pas, non plus, si c’était de la réalité qui m’entourait ou bien du rêve… Je ne me demandais rien… je ne pensais à rien… je ne disais rien… Clara parlait, parlait… Sans doute, elle me racontait encore des histoires et des his-