Page:Mirbeau - Le Jardin des supplices.djvu/190

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des pourrissoirs spéciaux, forment un puissant compost dont les plantes sont voraces et qui les rend plus vigoureuses et plus belles. Des dérivations de la rivière, ingénieusement distribuées à travers le jardin, y entretiennent, selon le besoin des cultures, une fraîcheur humide, permanente, en même temps qu’elles servent à remplir des bassins et des canaux, dont l’eau se renouvelle sans cesse, et où l’on conserve des formes zoologiques presque disparues, entre autres le fameux poisson à six bosses, chanté par Yu-Sin et par notre compatriote, le poète Robert de Montesquiou.

Les Chinois sont des jardiniers incomparables, bien supérieurs à nos grossiers horticulteurs qui ne pensent qu’à détruire la beauté des plantes par d’irrespectueuses pratiques et de criminelles hybridations. Ceux-là sont de véritables malfaiteurs et je ne puis concevoir qu’on n’ait pas encore, au nom de la vie universelle, édicté des lois pénales très sévères contre eux. Il me serait même agréable qu’on les guillotinât sans pitié, de préférence à ces pâles assassins dont le « selectionnisme » social est plutôt louable et généreux, puisque, la plupart du