Page:Mirbeau - Le Jardin des supplices.djvu/181

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

obscénités de singes… Un large volet transversal cachait le bas de leurs corps et, du plancher invisible de la cellule, montait une odeur suffocante et mortelle.

— Bonjour, poète !… dit Clara, s’adressant à la Face… Je suis gentille, pas ? Je suis venue te voir encore une fois, pauvre cher homme !… Me reconnais-tu aujourd’hui ?… Non ?… Pourquoi ne me reconnais-tu pas ?… Je suis belle, pourtant, et je t’ai aimé tout un soir !…

La Face ne bougea pas. Ses yeux ne quittaient point la corbeille de viande que portait le boy… Et de sa gorge sortait un bruit rauque d’animal.

— Tu as faim ?… poursuivit Clara… Je te donnerai à manger… Pour toi, j’ai choisi les meilleurs morceaux du marché… Mais auparavant, veux-tu que je récite ton poème : Les trois amies ?… Veux-tu ?… Cela te fera plaisir de l’entendre.

Et elle récita.


J’ai trois amies.
La première a l’esprit mobile comme une feuille de bambou.
Son humeur légère et folâtre est pareille à la fleur plumeuse de l’eulalie.
Son œil ressemble au lotus.