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narines battaient plus vite… Elle s’appuyait à mon bras, plus lourdement, et je sentais courir des frissons tout le long de son corps…

Je remarquai alors que, dans le mur de gauche, en face de chaque cellule, étaient creusées des niches profondes. Ces niches contenaient des bois peints et sculptés qui représentaient, avec cet effroyable réalisme particulier à l’art de l’Extrême-Orient, tous les genres de torture en usage dans la Chine : scènes de décollation, de strangulation, d’écorchement et de dépècement des chairs…, imaginations démoniaques et mathématiques, qui poussent, jusqu’à un raffinement inconnu de nos cruautés occidentales, pourtant si inventives, la science du supplice. Musée de l’épouvante et du désespoir, où rien n’avait été oublié de la férocité humaine et qui, sans cesse, à toutes les minutes du jour, rappelait par des images précises, aux forçats, la mort savante à laquelle les destinaient leurs bourreaux.

— Ne regarde pas ça !… me dit Clara avec une moue de mépris. Ça n’est que des bois peints, mon amour… Regarde par ici, où c’est vrai… Tiens !… Justement, le voilà, mon poète !…