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dont les dalles du couloir étaient semées, avait la douceur molle des dunes, près de la mer… J’aspirai l’air largement, à pleins poumons. Clara me dit :

— Tu vois comme on est gentil pour les forçats, ici… Du moins, ils sont au frais.

— Mais où sont-ils ?… demandai-je… À droite et à gauche, je ne vois que des murs !

Clara sourit.

— Comme tu es curieux !… Te voilà maintenant plus impatient que moi !… Attends… attends un peu !…. Tout à l’heure, mon chéri… Tiens !…

Elle s’était arrêtée et me désignait un point vague du couloir, l’œil plus brillant, les narines battantes, l’oreille tendue aux bruits, comme une chevrette aux écoutes dans la forêt.

— Entends-tu ?… Ce sont eux !… Entends-tu ?…

Alors, par-delà les rumeurs de la foule qui envahissait le couloir, par-delà les voix bourdonnantes, je perçus des cris, des plaintes sourdes, des traînements de chaînes, des respirations haletantes comme des forges, d’étranges et prolongés rauquements de