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venu ?… Es-tu content que je te caresse, chère petite canaille adorée ?… Oh ! tes beaux yeux fatigués !… C’est la fièvre… et c’est moi aussi, dis ?… Dis que c’est moi ?… Veux-tu boire du thé ?… Veux-tu encore une pastille d’hamamélis ?…

— Je voudrais n’être plus ici !… Je voudrais dormir !…

— Dormir !… Que tu es étrange !… Oh ! tu vas voir, tout à l’heure, comme c’est beau !… comme c’est terrible !… Et quels extraordinaires… quels inconnus… quels merveilleux désirs cela vous fait entrer dans la chair !… Nous reviendrons par le fleuve, dans mon sampang… Et nous passerons la nuit dans un bateau de fleurs… Tu veux, pas ?…

Elle me donna sur les mains quelques légers coups d’éventail :

— Mais tu ne m’écoutes pas ?… Pourquoi ne m’écoutes-tu pas ?… Tu es pâle et tu es triste… Et, en vérité, tu ne m’écoutes pas du tout…

Elle se pelotonna contre moi, tout contre moi, onduleuse et câline :

— Tu ne m’écoutes pas, vilain, reprit-elle… Et tu ne me caresses même pas !…