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crime… tout cela m’effraie… tout cela me rend fou !…

Clara eut un petit rire moqueur.

— Pauvre mignon !… soupira-t-elle drôlement… Tu ne diras pas cela, ce soir, quand tu seras dans mes bras… et que je t’aimerai !…

La foule s’animait de plus en plus. Des bonzes, accroupis sous des ombrelles, étalaient de longues robes rouges autour d’eux, ainsi que des flaques de sang, frappaient sur des gongs, à coups frénétiques, et ils invectivaient grossièrement les passants qui, pour apaiser leurs malédictions, laissaient dévotement tomber, en des jattes de métal, de larges pièces de monnaie.

Clara m’emmena sous une tente toute brodée de fleurs de pêcher, me fit asseoir, près d’elle, sur une pile de coussins, et elle me dit, en me caressant le front de sa main électrique, de sa main donneuse d’oubli et verseuse d’ivresse :

— Mon Dieu !… que tout cela est long, chéri !… Chaque semaine, c’est la même chose… On n’en finit jamais d’ouvrir la porte… Pourquoi ne parles-tu pas ?… Est-ce que je te fais peur ?… Es-tu content d’être