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impatiente et très nombreuse. À chaque minute, elle grossissait. Des tentes étaient dressées où l’on buvait du thé, où l’on grignotait de jolis bonbons, des pétales de roses et d’acacias roulés dans de fines pâtes odorantes et granitées de sucre. Dans d’autres, des musiciens jouaient de la flûte et des poètes disaient des vers, tandis que le punka, agitant l’air embrasé, répandait une légère fraîcheur, un frôlement de fraîcheur sur les visages. Et des marchands ambulants vendaient des images, d’anciennes légendes de crimes, des figurations de tortures et de supplices, des estampes et des ivoires, étrangement obscènes. Clara acheta quelques-uns de ces derniers, et elle me dit :

— Vois comme les Chinois, qu’on accuse d’être des barbares, sont au contraire plus civilisés que nous ; comme ils sont plus que nous dans la logique de la vie et dans l’harmonie de la nature !… Ils ne considèrent point l’acte d’amour comme une honte qu’on doive cacher… Ils le glorifient au contraire, en chantent tous les gestes et toutes les caresses… de même que les anciens, d’ailleurs, pour qui le sexe, loin d’être un objet d’infamie, une image d’impureté, était un