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III


Le bagne est construit au bord de la rivière. Ses murs quadrangulaires enferment un terrain de plus de cent mille mètres carrés. Pas une seule fenêtre ; pas d’autre ouverture que l’immense porte, couronnée de dragons rouges, armée de lourdes barres de fer. Les tours des veilleurs, des tours carrées que termine une superposition de toits aux becs recourbés, marquent les quatre angles de la sinistre muraille. D’autres, plus petites, s’espacent à intervalles réguliers. La nuit, toutes ces tours s’allument comme des phares et projettent autour du bagne, sur la plaine et sur le fleuve, une lumière dénonciatrice. L’une de ces murailles plonge dans l’eau noire, fétide et profonde, ses solides assises que tapissent des algues