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des gongs et les clameurs concurrentes :

— Ici… ici… par ici !… Venez par ici… et regardez… et choisissez… Nulle part, vous n’en trouverez de meilleure… Il n’y en a pas de plus corrompue…

Dès que nous fûmes engagés sur le pont, Clara me dit :

— Ah ! tu vois, nous sommes en retard. C’est de ta faute !… Dépêchons-nous.

En effet, une foule nombreuse de Chinoises et, parmi elles, quelques Anglaises et quelques Russes — car il n’y avait que fort peu d’hommes, hormis les commissionnaires — grouillait sur le pont. Robes brodées de fleurs et de métamorphoses, ombrelles multicolores, éventails agiles comme des oiseaux, et des rires, et des cris, et de la joie, et de la lutte, tout cela vibrait, chatoyait, chantait, voletait dans le soleil, telle une fête de vie et d’amour.

— Ici… ici… par ici !… Venez par ici !…

Ahuri par la bousculade, étourdi par le glapissement des marchands et les vibrations sonores des gongs, il fallut presque me battre pour pénétrer dans la foule et pour protéger Clara contre les insultes des unes, les coups des autres. Combat grotesque, en