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jolie, nue dans une transparente tunique de soie jaune, elle était mollement couchée sur une peau de tigre. Sa tête reposait parmi des coussins, et de ses mains, chargées de bagues, elle jouait avec une longue mèche de ses cheveux déroulés. Un chien du Laos, aux poils rouges, dormait auprès d’elle, le museau sur sa cuisse, une patte sur son sein.

— Comment ?… reprit Clara… vous ne saviez pas ?… Comme c’est drôle !

Et, toute souriante, avec des étirements de souple animal, elle m’expliqua :

— Ce fut quelque chose d’horrible, chéri ! Annie est morte de la lèpre… de cette lèpre effrayante qu’on appelle l’éléphantiasis… Car tout est effrayant ici… l’amour, la maladie… la mort… et les fleurs !… Jamais je n’ai tant, tant pleuré, je vous assure… Je l’aimais tant, tant ! Et elle était si belle, si étrangement belle !…

Elle ajouta, dans un long et gracieux soupir :

— Jamais plus nous ne connaîtrons le goût si âpre de ses baisers !… C’est un grand malheur !

— Alors… c’est donc vrai ?… balbutiai-je… Mais comment cela est-il arrivé ?