Page:Mirbeau - Le Jardin des supplices.djvu/104

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Alors… vous ne m’en voulez pas ?… vous ne me méprisez pas ?… vous me pardonnez ?…

— Bête ! fit-elle… Ô la petite bête !…

— Clara !… Clara !… Est-ce possible ?… m’écriai-je, presque défaillant de bonheur.

Comme la cloche du dîner avait, depuis longtemps, sonné, et qu’il n’y avait plus personne sur cette partie du pont, je m’approchai de Clara plus près, si près que je sentis sa hanche frémir contre moi, et battre sa gorge. Et saisissant ses mains qu’elle laissa dans les miennes, tandis que mon cœur se soulevait, en tempête, dans ma poitrine, je m’écriai :

— Clara ! Clara !… m’aimez-vous ?… Ah ! je vous en supplie !… m’aimez-vous ?…

Elle répliqua, faiblement :

— Je vous dirai cela, ce soir… chez moi !…

Je vis passer, en ses yeux, une flamme verte, une flamme terrible qui me fit peur… Elle dégagea ses mains de l’étreinte des miennes, et le front subitement barré d’un pli dur, la nuque lourde, elle se tut et regarda la mer…

À quoi pensait-elle ?… Je n’en savais rien…