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la malice aussi, et de l’ironie… et de tout… un regard qui entrait en moi, me pénétrait, me fouillait, me bouleversait l’âme et la chair.

— Eh bien ! dit-elle, simplement. Ça ne m’étonne pas trop… Et je crois, vraiment, que tous les savants sont comme vous.

Sans cesser de me regarder, riant du rire clair et joli qu’elle avait, un rire pareil à un chant d’oiseau :

— J’en ai connu un, reprit-elle. C’était un naturaliste… de votre genre… Il avait été envoyé par le gouvernement anglais, pour étudier, dans les plantations de Ceylan, le parasite du caféier… Eh bien, durant trois mois, il ne quitta pas Colombo… Il passait son temps à jouer au poker et à se griser de champagne.

Et son regard sur moi, un étrange, profond et voluptueux regard, toujours sur moi, elle ajouta, après quelques secondes de silence, sur un ton de miséricorde, où il me sembla que j’entendais chanter toutes les allégresses du pardon :

— Ô la petite canaille !

Je ne savais plus que dire ni s’il fallait rire ou encore pleurer, ou bien m’agenouiller à ses pieds. Timidement, je balbutiai :