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le dos de coups de poing. Le bedeau, agitant ses tintenelles, refoulait, dans le chemin, les mendiants curieux, et une voiture de foin, qui s’en revenait, fut contrainte de s’arrêter et d’attendre. En vain, je cherchai des yeux le petit Sorieul, un enfant estropié, de mon âge, à qui, tous les samedis, je donnais une miche de pain ; je ne l’aperçus point, et cela me fit de la peine. Et tout à coup, les cloches, au clocher de l’église, tintèrent. Ding ! deng ! dong ! Le ciel était d’un bleu profond, le soleil flambait. Lentement, le cortège se mit en marche ; d’abord les charitons et les chantres, la croix qui brillait, la bannière qui se balançait, le curé en surplis blanc, s’abritant la tête de son psautier, puis quelque chose de lourd et de long, très fleuri de bouquets et de couronnes, que des hommes portaient en vacillant sur leurs jarrets ; puis la foule, une foule grouillante, qui emplit la cour, ondula sur la route, une foule, dans laquelle bientôt je ne distinguai plus que mon cousin Mérel, qui s’épongeait le crâne avec un mouchoir à carreaux. Ding ! deng ! dong ! Les cloches tintèrent longtemps, longtemps ; ah ! le triste glas ! Ding ! deng ! dong ! Et, pendant que les cloches tintaient, tintaient, trois pigeons blancs ne cessèrent de voleter et de se poursuivre autour de l’église qui, en face de moi, montrait son toit gauchi et sa tour d’ardoise, mal d’aplomb au-dessus d’un bouquet d’acacias et de marronniers roses.

La cérémonie terminée, mon père entra dans ma chambre. Il se promena quelques minutes, de long en