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— Oh ! moi ! fis-je… je suis bien malheureux !… Ainsi, c’est un consul qui est son amant, aujourd’hui ?

Gabrielle ralluma sa cigarette éteinte, haussa les épaules.

— Son amant !… Est-ce que ça peut garder un amant, des femmes comme ça ?… Elle aurait le bon Dieu, mon cher, que le bon Dieu lui-même n’y tiendrait pas !… Ah ! les hommes, ça ne pose pas longtemps chez elle, c’est moi qui vous le dis !… Ça vient un jour, et puis le lendemain, ça fiche le camp !… Ah bien ! merci !… C’est bon de les plumer, mais encore faut-il mettre des gants, hein ?… Et vous êtes toujours amoureux d’elle, pauvre garçon ?

— Toujours, plus que jamais !… J’ai fait tout pour me guérir de cette passion honteuse, qui me rend le plus vil des hommes, qui me tue… et je n’ai pas pu !… Alors, elle mène une abominable conduite, n’est-ce pas ?

— Ah ! bien vrai !… s’exclama Gabrielle, en lançant un jet de fumée en l’air… Vous savez, je ne suis pas bégueule, moi… je rigole comme tout le monde… mais là, parole d’honneur !… sur la tête de ma mère, je rougirais de faire ce qu’elle fait !

La tête renversée, elle poussait des ronds de fumée qui montaient en vibrant, vers le plafond… Et pour accentuer ce qu’elle venait de dire :

— Ah ! bien, vrai ! répéta-t-elle.

Quoique je souffrisse cruellement, quoique chacune des paroles de Gabrielle me frappât au cœur, ainsi